-
L’originalité de Claude d’Espence (1511-1572) aux yeux des historiens de la Réforme tient aux positions nuancées qui font de ce théologien le représentant d’un « autre » catholicisme, à l’écart des rigidités partisanes et des affirmations outrancières. On a assimilé son attitude à celle des « moyenneurs », ce qui n’est pas tout à fait exact, puisqu’il ne se voudra jamais au-dessus de la mêlée. Néanmoins, ce représentant du Roi de France au Concile sera lui-même confronté à plusieurs reprises à la censure ecclésiastique, ce qui manifeste le climat d’intransigeance qui préside à ces temps troublés.
Les Homilies sur la Parabole de l’Enfant prodigue ont été rédigées à la faveur des atermoiements qui caractérisent la première période du Concile de Trente. Sous la forme de quatre sermons enchaînés, ce petit volume représente, avec d’autres écrits rédigés à la même époque, une tentative intéressante pour associer un public cultivé aux questions que débattent les théologiens. Très présente dans la culture contemporaine, notamment à travers le théâtre, la parabole du prodigue est pour Claude d’Espence l’occasion d’aborder plusieurs questions sensibles, comme le rapport entre la foi et les œuvres, ou encore les modalités du libre arbitre. Vastes problématiques, que ce modeste opuscule envisage dans un climat de sérénité, au gré d’une prose souple et ferme tout à la fois, synthèse remarquable d’une effervescence des idées et d’un effort de communication.
-
Le Mistere de l’Institucion de l’Ordre des Freres Prescheurs est passé jusqu’ici presque inaperçu, n’ayant jamais connu d’édition critique. Le texte nous a été transmis dans une version imprimée à Paris par Jean Trepperel vers 1511 ou 1512; nous n’en connaissons qu’un seul exemplaire, conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris (Réserve YF 1611). L’introduction retrace très soigneusement l’histoire dominicaine du XVe et du début du XVIe siècle, dont la grande querelle entre observants et conventuels, et arrive à la conclusion que l’auteur anonyme doit être observant et partisan de la Congrégation gallicane en voie de préparation, ce qui explique l’importance donnée au bienheureux Réginald dans «l’institution» de l’Ordre lui-même, à côté de saint Dominique, le fondateur, comme un rappel des origines françaises de l’ordre dominicain, et donc de la légitimité d’une Congrégation spécifiquement gallicane, au sens géographique du terme. En sus dune édition annotée de qualité, la structure, la forme, la métrique du Mistere de l’Institucion, et encore l’histoire de l’ordre dominicain, la piété mise en œuvre, l’utilisation de l’allégorie (et son rapport à la mimésis) sont analysées avec intelligence et compétence.
-